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lundi 28 juillet 2008

Le palais de la princesse Khadidja

Dar Khedaoudj El Amia, miroir enchanteur d’une belle époque

Dar KhedoudjaLe palais de la princesse Khadidja, « Dar el Bakri » ou encore «Palais de Khedaoudj el Amia», autant de noms donnés à ce monument historique planté au cœur de la médina d’Alger, est un incontournable lieu de souvenirs et de méditation qui s’ajoute aux nombreux sites que compte le patrimoine culturel matériel de l’Algérie.
Niché dans une venelle de la basse Casbah, ce palais qui abrite le Musée national des arts et traditions populaires refuse d’abdiquer et livre un combat têtu à son pire ennemi, le temps. Il se dresse dans toute sa splendeur pour rappeler une époque révolue mais ô combien dense et intense. Un rappel lancinant pour les générations qui se succèdent.

La belle princesse et le miroir La légende raconte que la princesse Khadidja ou Khedaoudj El Amia (l’aveugle) était d’une rare beauté. Elle passait le plus clair de son temps devant sa glace, se contemplant et admirant son charme que l’on disait hors du commun. Elle changeait de tenue et de coiffure plusieurs fois par jour, corrigeant une imperfection ou redressant une mèche rebelle qui ferait offense à cette apparence qu’elle voulait unique.
Le maquillage était, de toute évidence, trié et savamment choisi pour rehausser encore plus ses traits. Son narcissisme allait grandissant tant elle se trouvait belle au-delà de ce que l’on peut décrire. Son souci du détail, qui la maintenait rivée à son miroir, lui fit perdre la vue, dit-on.
Une autre version impute la cécité de la princesse au khôl (tracé des yeux) qu’elle utilisait pour souligner ses yeux. L’excès de ce fard aurait été la cause de ce drame, selon certains.
Edifiée en 1570 sur le site appelé Souk el Djemaa dans la basse Casbah, sur les ruines de la zaouïa et du mausolée de sidi Ahmed Ben Ali par un officier de la marine ottomane, en l’occurrence Rais Yahia, la maison n’avait pas l’allure d’un palais mais simplement d’une grande demeure. Elle avait été acquise par Khaznadji Hassan Pacha, trésorier du roi ottoman sous l’ère du dey Mohamed Ben Othmane qui y a introduit des modifications et des extensions, lui conférant l’aspect d’un palais qu’il a offert à sa fille Khadidja El Amia.

Et Napoléon usurpa la demeure
Après l’invasion de l’Algérie par les Français, en 1830, les propriétaires des lieux ont été délogés, moyennant une somme modique, et le palais est devenu le siège de la première mairie française d’Alger. Mais devant la magnificence des lieux, l’empereur Napoléon III et sa femme Eugénie ont décidé d’y élire domicile à partir de 1860. Chaque fois que l’empereur venait à Alger, il se rendait directement à ce palais.
Le palais conserve jusqu’à nos jours son cachet architectural authentique.
Un portail imposant de bois sculpté s’ouvre sur l’entrée principale qui mène à un long vestibule appelé «skifa» adossé à des colonnes en marbre torsadées. Quatre arcades sont alignées sur le côté gauche séparées par trois colonnes torsadées. Deux arcades longent le côté droit du mur de la skifa (vestibule) orné de faïences aux couleurs gaies appelées «zelaidj».
A l’étage se trouvent les chambres aux murs richement décorés, laissant transparaître l’art mauresque dans ses formes les plus raffinées et qui renseigne sur le niveau artistique et le faste qui a caractérisé l’époque ottomane.
Un connaisseur s’apercevrait vite des modifications purement européennes introduites sur les pièces du haut, et ce, à partir de 1860, date de la prise du palais par Napoléon III et son épouse Eugénie.
Pour accéder aux étages supérieurs, le visiteur doit emprunter un escalier lui aussi surmonté d’une coupole. Au dernier étage, se trouve le menzah (terrasse) qui donne sur la façade maritime, ce qui permettait aux occupants des lieux de respirer l’air revigorant de la mer, et aux femmes d’échapper à l’enfermement que proposent les pièces du palais.
Comme dans toute maison, le palais renferme les cuisines où se trouve un puits pour les travaux quotidiens, les bains et les salles d’eau.
Transformé en 1947 en un service de conservation de l’artisanat, le palais est devenu en 1961 Musée des arts traditionnels et un salon permanent pour les ateliers d’artisanat et des métiers anciens. En 1987, il devient le siège du Musée national des arts et traditions populaires.

L’édifice refuse d’abdiquer
Les chercheurs dans le domaine du patrimoine, les sociologues, les architectes et les fonctionnaires du musée se sont attelés à récupérer les pièces de musée, soit en les rachetant, soit grâce à des dons de pièces effectués par des citoyens ou des institutions.
Des pièces anciennes très précieuses, des meubles, des travaux de tissage, de dinanderie, de cuir et de bois représentant les différentes régions du pays sont exposés dans cette somptueuse demeure.
On y trouve des produits d’artisanat targuis et kabyles, des meubles algérois, des bijoux de Tlemcen, des tapis d’Adrar, des tissus d’ameublement tissés en fils de soie du M’zab et des pièces des Aurès.
La pièce centrale du musée est dédiée aux miroirs d’époque savamment travaillés et finement ornés, notamment celui qui aurait causé la cécité de la princesse.
Entre la légende et la réalité qui ont entouré ce site majestueux, la maison «El Bakri», comme il plaît aux Algérois de l’appeler, est là et bien là, remplissant sa mission historique, celle de rester avant tout ce lien d’authenticité qui unit les générations. Plus de détail ...pour plus de détail voir algerieautrefois.com en cliquant sur le texte



[ source ]
Par Algérie presse service
Photo : S. Zoheir
La Tribune - Edition du 28 Juillet 2008

dimanche 27 juillet 2008

La Casbah d’Alger : Un trésor caché

Entre palais ottomans, anciennes synagogues reconverties en mosquées, cette Casbah, qui est la plus grande du Maghreb, est une véritable mosaïque de couleurs et de diversités culturelles. Classée patrimoine mondial de l’Unesco, elle recèle de véritables bijoux pour les regards les plus curieux.

« Sésame ouvres-toi », laissons-nous nous perdre dans des ruelles gorgées de mystères… De la place des Martyrs, au pied de La Casbah, il est facile de se rendre compte de l’immensité de cette ancienne cité mauresque (60 ha). Le premier monument que l’on aperçoit est la mosquée de Ketchaoua construite en 1794. Elle fut transformée en cathédrale pendant la période coloniale, puis reprise par le culte musulman à l’indépendance. Monument matériel et historique, entre les pans de ses murs se cache l’histoire des frères Barberousse (fondateurs de la Régence d’Alger) et des deys ottomans qui ont laissé derrière eux bon nombre de palais.

Pittoresque patio
Une fois rentré dans les ruelles alentours, le reste de la ville se referme derrière le visiteur pour mieux l’accueillir dans les entrailles tortueuses et mystérieuses de La Casbah. Perchées en hauteur, les constructions sont des chefs-d’œuvre d’ingéniosité, puisque la plupart se situent sur des pentes raides et trouvent leur équilibre en se soutenant mutuellement, et quand l’une s’écroule, il arrive souvent qu’elle entraîne sa voisine dans son implacable chute. Un peu plus loin, un premier palais s’offre au flâneur. Rien n’indique qu’à l’intérieur de ses murs, aujourd’hui souffreteux, existe une douéra riche en faïence d’Elfe, marbre d’Italie et fontaines. Construites autour d’une cour intérieure, les salles arborent un décor infiniment détaillé, il suffit de lever la tête pour voir des arabesques sculptées à même le plafond ou encore des poutres ancrées depuis cinq siècles. Passé le premier étage, on accède à la terrasse avec une vue imprenable sur la baie d’Alger et sur les minarets des mosquées dressés tels des phares sur les toits de la ville. Au sortir du palais, l’esprit encore imprégné de l’élégance mauresque, il est possible de croiser sur son chemin une vieille dame portant encore l’habit traditionnel algérois. Dissimulée derrière un très grand voile immaculé la recouvrant de la tête aux pieds, le visage caché derrière le foulard, elle affiche un regard perçant. Encore quelques pas et l’on peut rencontrer un autre personnage, M. Tchoubane, le dernier véritable artisan de la vieille ville, encore au travail à 94 ans.

Le temps semble s’être arrêté dans cet atelier où il façonne le bois depuis plus de soixante-dix ans. Il est attaché à ses habitudes comme des repères dans une Casbah qui a connu beaucoup de changements irréversibles en si peu de temps. La modernité venue, à grands pas, n’a pas été un atout comme dans d’autres lieux ancestraux et touristiques, mais un élément de défiguration. Menacée d’être déclassée patrimoine mondial de l’Unesco, en raison des nombreux fonds destinés à la restauration qui n’ont, toujours pas eu effet sur le délabrement, La Casbah est en danger de mort. Sur les 8000 habitations répertoriées en 1830, il n’en reste aujourd’hui plus que 600. Il est presque ulcérant pour les anciennes familles habitant les lieux depuis des générations de voir autant de richesses disparaître faute de ne pas avoir réagi à temps, l’un des vestiges d’autant plus essentiel et leur sens de la culture indéniable qu’ils partageront volontiers avec l’étranger respectueux. « Les anciens nous donnaient l’impression d’avoir fait le tour du monde sans jamais avoir quitté La Casbah » , explique Kechkoul Roudouan, qui vit toujours dans la ruelle qui l’ a vue naître. Malgré ces innombrables pertes, une première visite dans La Casbah d’Alger restera sans doute dans la mémoire du visiteur, tant elle le fait voyager à travers les âges et les rouages de l’histoire qui ne cessent de la hanter.
[ source ]
Par D. R. Laoufi
El Watan, édition du 27 Juillet 2008

vendredi 18 juillet 2008

La Citadelle d'Alger

La citadelle d’Alger a été construite il y a près DE 500 ans sur les hauteurs de la Casbah


Plongée dans les arcanes et l’histoire de Dar Essoltane

citadelle d'AlgerAlger abrite encore des vestiges de renommée mondiale et des monuments historiques de grande valeur, certes en état de dégradation avancé mais qui n’en demeurent pas moins les témoins irremplaçables des différentes civilisations qui se sont succédé sur cette terre.
Une recherche historique approfondie sur ces constructions, qui forcent encore aujourd’hui l’admiration et le respect, s’avère appropriée pour en pénétrer les secrets et accéder aux clés du mystère qui habite ces lieux de rêve et de magie.
Peut-on alors parler des vestiges et des palais luxueux qui peuplent la capitale sans citer la citadelle d’Alger que l’on nomme aussi Dar Essoltane ou encore Palais du dey ? Cette œuvre d’art, dont la construction a commencé il y a presque 500 ans sur les hauteurs de la vieille médina (Casbah), surplombe la baie d’Alger, offrant à la vue l’un des plus beaux panoramas du monde. Située à 118 mètres au-dessus du niveau de la mer, la citadelle, dernière demeure des deys d’Alger, reste debout comme pour défier les aléas du temps et l’érosion qui la gangrène.

Le palais entre rêve et réalité
Le visiteur de ce lieu de majesté est agréablement surpris par ses pavillons richement décorés, ses couloirs sculptés, ses salles parées de luxe et ses piliers couverts d’ornements. En déambulant dans cet espace, traversant les siècles, vous voilà plongés dans l’ère ottomane risquant presque à chaque instant de rencontrer le dey Hussein ou le dey Khodja Pacha qui ont gouverné Alger avant 1930.
Une sensation agréable vous envahit en pénétrant dans l’aile réservée au dey, sentant presque sa présence assis avec majesté sur son trône. La stature haute, le dey se tiendrait là avec son allure de chef expérimenté et de militaire aguerri. Son imposante personnalité a également fait de lui un monarque hospitalier et généreux, un homme de foi et d’une grande noblesse d’âme.

Vie de palais, vie de faste et de luxe. L’aile réservée aux femmes réveille des images d’élégance et de raffinement. Les personnages des contes des Mille et Une Nuits semblent encore se mouvoir dans ces espaces, ombres furtives et fantomatiques qui ont, des siècles durant, occupé ces salles et d’autres chambres aux rideaux de soie et aux lourdes tentures de velours. L’imagination du visiteur le portera aussi vers ces femmes de toute beauté parées de bijoux sertis d’émeraudes, de perles et de diamants d’où fusent des parfums, essences d’ambre, de musc, de chrysanthème et de narcisse.
On peut aisément imaginer les longues soirées d’été juste interrompues par une brise légère venue de la mer toute proche. Nonobstant le bruit des travaux en cours et l’état de décrépitude des lieux, on peut presque, en empruntant les longs couloirs, sentir les parfums de fleurs qui embaumaient l’espace et l’odeur envoûtante de l’encens.
Habillées de kaftan, de saroual, de bedroun de satin et de soie de Chine, les femmes sont là, regroupées autour de tables basses d’ébène du Soudan incrustées de nacre, sirotant le thé et goûtant les mets les plus délicieux et les confiseries les plus fines faites d’amande, de pistache, de noisette et de miel pur.
Les servantes assises dans un des coins de la pièce, éventail à la main, attendent les ordres de leurs maîtresses pour que leur parvienne un peu de fraîcheur en ces chaleurs étouffantes. Des suivantes jouent des airs musicaux légers et reposants à l’image de ces après-midi qui semblent se prolonger indéfiniment. De temps à autre, des chants fusent, authentiques et agréables mélodies témoins d’une grande sensibilité et d’une culture riche et séculaire.

Cinq siècles et un parcours tout en mouvement
Construite au début du XVIe siècle, plus exactement en 1516, sous l’égide de Baba Aroudj, la citadelle a été achevée véritablement en 1591.
Au tout début, ce haut lieu était destiné à des activités purement militaires abritant des unités de l’armée des janissaires en remplacement de l’ancienne forteresse située près de la mosquée de Sidi Ramdhane à la Casbah.

La situation durera ainsi pendant un siècle, jusqu’en 1817, date à laquelle le dey Ali Khodja a décidé de quitter le palais «Djenina» (basse Casbah) qui abritait le siège du gouvernement d’Alger de l’époque, pour s’installer dans la haute Casbah et plus précisément dans cette citadelle où il mourut peu après.
Le bruit des sabots est encore perceptible sur ce sol désormais déserté gardant en mémoire pourtant les longues processions de cavaliers se pavanant sur des pur-sang racés piaffant d’impatience. Officiers et soldats janissaires se sont relayés en ces lieux nostalgiques faisant la gloire de leur cité, menant des batailles et portant haut une armée des plus redoutables en ce temps-là.

Son successeur, le dey Hussein Pacha, a apporté les transformations nécessaires à cette caserne de janissaires pour l’adapter aux besoins du dernier souverain d’Alger et de sa suite.
L’édifice, devenu siège du pouvoir, s’étend sur une surface de 1,5 ha et abrite l’aile réservée au dey qui entoure une immense cour de marbre blanc et où s’est produit le fameux incident du «coup d’éventail» à l’encontre du consul français en 1827, prétexte à l’invasion de l’Algérie en 1830. L’aile réservée aux femmes, ou gynécée, les salles de réunion ou diwan, la mosquée privée du dey et de sa suite, le jardin d’été, la poudrière et les cinq batteries réparties sur les différentes ailes du palais en sont les principales composantes.
Une autre aile a été érigée à l’intérieur de la citadelle et réservée aux beys d’Oran, de Constantine et de Médéa (ex-Titteri) pour leur séjour à Alger ou pour leur réunion avec le dey. Le monument renferme, d’autre part, la mosquée des janissaires et une poudrière pour la fabrication du salpêtre, unique spécimen architectural en Algérie et dans le Maghreb.
Dar Essoltane, comme il plaît aux Algérois de l’appeler, était par ailleurs dotée à l’époque ottomane d’un système exceptionnel d’irrigation et de distribution d’eau. Cet édifice était la résidence permanente du dey Hussein Pacha -dernier dey d’Alger- durant 12 années avant l’expédition française de 1830.
Durant les premières années de l’occupation française, ce lieu a été transformé en caserne de l’armée coloniale pour devenir ensuite un hôpital militaire. Le général De Bourmont en a fait, un peu plus tard, sa résidence.
Jugeant le style architectural du palais inadéquat avec la façon de vivre occidentale, il y apporta des transformations importantes.
La forteresse fut scindée en deux par une route, et le quartier qui jouxtait la Casbah où se trouvait la maison de l’agha ainsi que beït el Mel (ministère des Finances) fut complètement détruit afin d’isoler la forteresse.

L’aile du khodja, qui était premier responsable de la garde privée de Dar El Malik, a subi une destruction en règle tandis que les décorations et autres ornements des piliers ont disparu et des fenêtres ont été placées dans le pavillon réservé aux femmes sans rapport avec l’architecture originelle.
La mosquée des janissaires au sud de l’aile du khodja a, elle aussi, connu, durant la période coloniale, des transformations radicales, ce qui l’a complètement dénaturée.
Le palais du dey a été classé monument historique en 1887 tandis que la mosquée et la poudrière voisines furent aménagées, en 1930, en musée colonial militaire qui fut pillé par les Français à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

L’urgence d’une résurrection annoncée
Désertée de ses occupants au lendemain de l’indépendance, la citadelle, abandonnée, a connu un état de délabrement avancé. Plus préoccupant encore, elle a été squattée par quelque 200 familles sinistrées qui en ont été délogées en 1978 lorsque la restauration de ce monument a été envisagée.
En 1992 pourtant, l’APC de la Casbah a décidé de transformer ce lieu en habitations, ce qui avait provoqué l’opposition vigoureuse -et finalement salutaire- de l’Agence nationale d’archéologie et de protection des sites et monuments historiques. Par bonheur, des travaux d’importance sont actuellement en cours pour sauver ce monument historique, partie intégrante du patrimoine national, et lui permettre de retrouver son lustre perdu tout en veillant jalousement à la préservation de son aspect architectural d’origine.
[ source ]
Par Algérie presse service
La Tribune - Edition du 17 Juillet 2008